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Organisation : convergence des buts
Janusz Bucki
Thierry Sautelet
De tous temps, les hommes s’organisent afin d’accroître leur efficacité dans la réalisation d’un objectif commun grâce à une mise en commun des compétences et des disponibilités. Une organisation ainsi créée intègre des acteurs en leur assignant les rôles à jouer durant la mise en œuvre d’un savoir-faire collectif. Sa pérennité et sa performance sont fortement conditionnées par les comportements des acteurs. On souhaite qu'ils opèrent dans le sens du respect et de la satisfaction de la finalité de l'organisation.
L'existence de la convergence des buts signifie alors que la satisfaction des objectifs généraux résulte de l’obtention des objectifs individuels appelés à y contribuer.

Toutefois, la convergence des buts ne garantit pas l'obtention des résultats attendus. Aussi, la non satisfaction des objectifs généraux du fait de la non réalisation des objectifs individuels ne signifie pas forcément l'absence de convergence des buts.
La divergence des buts poursuivis par les membres de la Société des Nations fut la cause de sa faible pérennité.
Dans une entreprise du secteur de la distribution la non réalisation des quotas de chiffre d'affaires par les vendeurs du fait d'une concurrence plus sévère que prévue ne signifie pas pour autant la divergence des buts.

Le concept de convergence des buts est au cœur du management qui s'appuie sur la délégation des responsabilités. Il constitue donc la référence clé de la vie des organisations.
Le management s'effectue par la décomposition des objectifs en sous objectifs dont la réalisation est déléguée en aval de la structure opérationnelle. Ce procédé fait apparaître des centres de responsabilité ou des activités auxquels on délègue le management de ces sous objectifs.

Souvent, dans la pratique, l’expression des objectifs est réduite à l’expression des résultats escomptés. Les centres de responsabilités s'engagent alors, a priori, sur l'obtention des résultats. Dans ce cas, le contrôle porte essentiellement sur les résultats obtenus. La manière de les obtenir passe souvent au second plan, qu'il s'agisse des comportements ou de la déontologie appliquée. Sur les marchés très concurrentiels, ce type de management conduit rapidement à négliger les codes de bonne conduite.
La gestion de la force de vente repose généralement sur le fait de fixer des objectifs de chiffre d'affaires aux commerciaux. S’ils réussissent à les obtenir, ils perçoivent la partie variable de leur rémunération. Si la concurrence accroît la difficulté de réaliser leurs quotas, ils peuvent être amenés à avoir des comportements désastreux pour l'image de l'entreprise. La direction réagit alors souvent en imposant des règles. Elles sont perçues par les vendeurs comme des freins à leur autonomie.

Comment interpréter la convergence des buts quand elle se réduit à la convergence des résultats ? Le contexte permettant de comprendre le pourquoi de ces résultats reste dans les meilleurs des cas implicite sinon occulté. Faute de l’explicitation du contexte donc de la politique du niveau supérieur, le pourquoi devient naturellement assimilé au but existentiel - « quelque soit la manière, il faut que le résultat soit là ». Ceci conduit trop souvent au « management punitif » et constitue, pour le staff du management, une occasion de se replier sur les fonctions régaliennes en repoussant ainsi la responsabilité du « comment » vers les strates inférieures. L’obtention des résultats ne peut être assimilé à la convergence des buts qui recouvre souvent une réalité plus large si l'on admet qu'il s'agit également de satisfaire des objectifs tels que la qualité des prestations, le respect de l'environnement ou encore la responsabilité sociale. De plus, la réduction de la convergence des buts à la convergence des résultats présuppose d'opérer dans un univers quasi-certain.

Si la convergence des buts constitue la référence du fonctionnement de toute organisation, la convergence des résultats peut-elle constituer une référence suffisante ? Que se passe t-il si la convergence des résultats n'est pas obtenue ? C'est un cas très probable aujourd'hui dans la mesure où notre univers devient de plus en plus aléatoire donc l'obtention des résultats de moins en moins certaine.
Les méthodes actuelles modélisent et interprètent avec difficulté le concept de convergence des buts. La forte concurrence et, donc, l’incertitude croissante dans l'obtention des résultats ont permis de mettre en exergue la relation qui existe entre la convergence des buts et le style de management. Ceci est à l'origine de l'émergence du concept de culture d'entreprise comme le pilier venant soutenir la pérennité de l'organisation. Dès lors, la culture est vue comme l'ensemble des valeurs comportementales venant étayer son fonctionnement.

Quand il devient de plus en plus difficile d’obtenir les résultats escomptés, la convergence des buts constitue alors un des facteurs indispensables pour accroître les chances de leur obtention.
Si la convergence des buts existe réellement, alors le résultat positif obtenu exprime, non seulement l'excellence de l'organisation dans ses procédés, ses savoir-faire et son efficacité mais également l'excellence comportementale des acteurs de l'organisation.
Le résultat est ponctuel par rapport à la validité de l'objectif qui, elle, subsiste. La confusion fréquemment observée entre résultat et objectif amène à confondre la convergence par les résultats avec la convergence des buts. L'horizon de l'objectif amène au fait que l'on peut y adhérer alors que le caractère ponctuel du résultat rend toute adhésion impossible si ce n'est par la satisfaction au moment de son obtention.
Par ailleurs, le management par résultats est fondé sur la prémisse, à la fois, d'une forte motivation des acteurs et d’une pertinence de l'information justifiant a priori la réussite. La prise en compte des comportements des acteurs face aux aléas est ici plutôt délaissée.

Pour qu'une organisation puisse fonctionner durablement, la convergence des buts poursuivis par les acteurs est indispensable. Les résultats, même s'ils sont nécessaires pour survivre et se développer, ne garantissent pas la pérennité car ils dépendent trop des circonstances.
La véritable réussite d'une organisation se mesure à la fois par ses résultats et sa pérennité. Cela signifie que l'intégration culturelle des acteurs est aussi importante que l'efficacité opérationnelle.
La forte concurrence pousse les managers à privilégier les résultats. Ceci peut se révéler désastreux pour la pérennité de l’entreprise car il mène inévitablement au management par sanctions/récompenses. À partir du moment où l'obtention des résultats devient de plus en plus difficile, les sanctions apparaissent. Elles s'exercent vers l'aval alors que le choix des objectifs a été effectué en amont. La divergence de jugement apparaît entre les différents niveaux de responsabilité : le sommet a-t-il été trop ambitieux ? la base a-t-elle été assez efficace ? C'est le jeu des accusations mutuelles qui déstabilise l'organisation. On peut qualifier ce style de management de "punitif" car les comportements des acteurs sont ici totalement soumis à l'obtention des résultats, le jeu des sanctions/récompenses en étant le stimulant. Or, sanctions et récompenses sont, le plus souvent, déterminées par rapport aux finalités individuelles des acteurs. Cela signifie que leur référence est externe à l'entreprise. Par conséquent, la difficulté du management augmente, ce qui risque de compromettre, davantage encore, la construction de la convergence des buts.

Dans une entreprise, si les salariés sont rémunérés pour une grande partie en fonction de la réalisation des résultats, alors l'appréciation de la récompense ou de la sanction s'exprime :
§ en terme de satisfaction qu'ils peuvent tirer des dépenses qu'ils font de leur revenu dans le contexte de leurs objectifs individuels ou en terme d’insatisfaction due à la régression de leur fonctionnement en dehors de l’entreprise,
§ en terme de justice ou d’injustice et ceci en fonction du degré de maîtrise qu'ils ont dans l’obtention de résultat.
Par ailleurs, si la convergence des buts est perçue comme le respect maladif des systèmes de valeurs, on risque alors d’aboutir à une situation dans laquelle les acteurs préfèreront abandonner la poursuite des objectifs plutôt que de risquer de « mal faire ».
La conséquence sur le fonctionnement des organisations est la perte d'exigence en termes de résultats puis vis-à-vis de soi-même. Une tolérance, la morale de l’entreprise, définie avec la politique de l’entreprise détermine ici la marge du manœuvre.
On sait aujourd'hui mesurer les résultats mais comment juger les comportements :
§ par conformité à un "idéal-type", ce qui mène à la normalisation et à la rigidité ?
§ par conformité à une "éthique universelle", ce qui est illusoire ?

La culture et les systèmes de valeurs sur lesquels elle repose seraient-ils donc essentiels à l'obtention de la convergence des buts et constitueraient-ils une référence suffisante au management, comme alternative au système de sanctions/récompenses ? Existe-t-il, dans une organisation, d’autres facteurs conditionnant la convergence des buts ?

Durant des décennies, les entreprises fonctionnaient dans un contexte où le marché était prêt à absorber tous les produits et services proposés, pour peu qu'ils soient en cohérence avec la demande. Le progrès technique a accru la capacité de production. L'offre est devenue plus abondante que la demande, bouleversant ainsi les enjeux du management. Dès lors, de nouvelles notions prennent alors toute leur importance :
§ la convergence des buts, qui exprime la motivation des acteurs de l'entreprise à se comportant dans le sens des intérêts de celle-ci,
§ la culture d'entreprise, un des facteurs qui détermine l'efficacité des négociations portant sur l'attribution ou le partage des ressources,
§ la liberté dans le choix des objectifs, qui est donnée aux responsables dans des organisations caractérisées par un grand degré de
     délégation,
§ la maîtrise du système d'organisation, c’est-à-dire la prédictibilité du comportement de l’ensemble.

L’approche décisionnelle, B-ADSc, intègre ces concepts. Elle met en exergue les relations qui s’établissent entre elles. Enfin, elle propose un outil de modélisation et d’analyse de l’efficacité d’une organisation vue comme un ensemble hiérarchisé de pôles décisionnels autonomes.
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